Aide à la relecture : Marguerite Dontenwille

Abréviations :
ASI : articulation(s) sacro-iliaque(s)
DSI : douleur(s) en lien avec les articulations sacro-iliaques
DPPG : douleurs pelviennes postérieures en lien avec la grossesse

Tests orthopédiques pour les douleurs pelviennes postérieures en lien avec la grossesse (1/2)

Maintenant que nous avons vu l’épidémiologie et la classification des douleurs lombo-pelviennes en lien avec la grossesse, nous allons aborder les tests pertinents en cas de DPPG. Cette partie nécessite quelques pré-requis sur la clinimétrie que vous retrouverez dans la première série d’articles consacrée aux douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques chez les sujets souffrant de lombalgie chronique : https://www.kinefact.com/troubles-musculo-squelettiques/examen-sacro-iliaques-3/

  • Posterior pelvic pain provocation (“4P”) test :

S’il n’y avait qu’un test à retenir pour le diagnostic des DPPG, ce serait certainement le test de provocation de la douleur pelvienne postérieure (test « 4P »). C’est celui qui a été le plus étudié, et son utilité clinique semble homogène entre les études de même design.

Figure 1 :

Le test de Provocation de la Douleur Pelvienne Postérieure [8]

Sur le principe, il s’apparente au test en thrust fémoral (avec lequel il est d’ailleurs parfois confondu comme dans [9]), la composante d’adduction et la contre-prise au niveau du sacrum en moins. Le test 4P est donc un test de reproduction de la douleur habituelle consistant en une pression verticale antéro-postérieure dans l’axe du fémur dans une position de flexion de hanche à 90°, avec une stabilisation controlatérale du bassin (Figure 4). Une pression « légère » est censée suffir pour obtenir une réponse positive (contrairement au test en thrust fémoral) alors que si le test est négatif, il l’est même pour une pression importante [2]. Il bénéficie d’une reproductibilité inter-examinateur substantielle (K ≈ 0,7) [7, 10].

Ce test a l’avantage d’avoir été étudié dans une population pouvant souffrir de douleurs lombo-pelviennes postérieures en lien avec une autre étiologie spécifique (ce qui est assez rare dans l’évaluation d’un test orthopédique pour être noté), en l’occurrence chez des sujets souffrant de conflit disco-radiculaire symptomatique. Dans cette population, le test est le plus souvent négatif (seuls 11% de tests positifs), ce qui soutient sa spécificité (cohérence externe) [3].

En outre, ce test est toujours négatif pour une DPPG (SP = 100%) chez les femmes fertiles mais pas enceintes ne se plaignant pas de douleurs lombo-pelviennes [11].

Afin de dépister précocement les patientes à plus haut risque d’invalidité et ainsi cibler celles qui nécessiteront une prise en charge spécifique, une version auto-administrée de ce test (Figure 5) a été étudiée afin de l’intégrer aux questionnaires de dépistage [11].

Figure 2 :

Version auto-administrée du test de Provocation de la Douleur Pelvienne Postérieure [8]

Lorsque la version auto-administrée du 4P (« auto4P ») est comparée au résultat du test réalisé par un examinateur, on obtient une sensibilité de 84% et une spécificité de 100% [11]. Cela signifie que, dans 16% des cas le test est négatif alors qu’il aurait dû être positif s’il avait été réalisé par un professionnel (16% de faux négatifs). Autrement dit : si on veut identifier correctement toutes les femmes souffrant de DPPG comme le ferait un examinateur expérimenté, on ne peut pas s’appuyer uniquement sur ce test dans les procédures de dépistage.

Une autre limite à cette initiative est la capacité d’une instruction écrite à permettre aux femmes de réaliser correctement le test. Or dans l’étude d’Olsen et al., un examinateur supervisait la réalisation du test par la patiente et pouvait la corriger si nécessaire ; le test n’a donc pas été évalué en situation réelle où une femme enceinte le réaliserait chez elle, seule. En outre, il peut être physiquement difficile pour les femmes enceintes de réaliser par elles-mêmes une compression axiale de la cuisse en position de flexion à 90° de la hanche [11].

En définitive, au regard des différentes études ayant évalué la performance diagnostique du test « 4P » (Figure 6), il est intéressant de constater que la précision diagnostique du test est influencée par le comparateur utilisé. En effet, les valeurs sont plus élevées dans les études utilisant un groupe sain comme comparateur. Il est reconnu que ce mode de comparaison influence à la hausse l’estimation de la précision diagnostique [12 – 14]. Ainsi, les 3 études qui ont inclus des sujets souffrant [15, 16] ou ayant pu souffrir [17] de DPPG aboutissent une sensibilité inférieure à 80%, en opposition avec les études ayant utilisé des sujets asymptomatiques, qui elles mettent en évidence une sensibilité supérieure à 80%. Une sensibilité plus faible implique un RV- plus élevé et donc cliniquement moins utile (aboutit à une variation significativement moins importante de la probabilité post-test). On peut donc conclure que ce test est plus performant à distinguer des sujets pathologiques de sujets sains que des sujets sévèrement atteints de sujets avec des plaintes légères.

Néanmoins, la tendance globale semble indiquer que le test « 4P » peut être utile plutôt pour inclure que pour exclure l’hypothèse d’une DPPG chez les femmes enceintes.

Figure 3 :

Comparaison de la clinimétrie du test « 4P » en fonction de l’étude
(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance)

 

Enfin, il est important de noter que la qualité méthodologique de ces études est globalement médiocre, avec un QUADAS (Quality Assessment of Diagnostic Accuracy Studies : échelle d’évaluation de la qualité méthodologique des études de la précision diagnostique ; Figure 7) toujours inférieur à 10 [9].

Figure 4 :

Traduction personnelle du QUADAS [18]

 En résumé, bien qu’il s’agisse du test pour les DPPG le plus étudié, il reste à être évalué avec une méthodologie plus rigoureuse avant de pouvoir être intégré avec confiance dans la pratique courante. Puisqu’il est, sur le principe, très similaire au test en thrust fémoral, il ne semble pas aberrant en pratique de l’inclure dans la combinaison de tests de Laslett-van der Wurff à la place de ce premier si le sujet examiné est une femme en situation de péri-partum. Il restera néanmoins à être évalué dans ces conditions.

  • Pont fessier avec une jambe tendue :

Figure 5 :

Test du pont fessier avec jambe tendue [8]

Comme le test « auto-4P », il s’agit d’un test de reproduction de la douleur habituelle que les patientes peuvent réaliser seules (Figure 8). A ma connaissance, ses performances diagnostiques n’ont été évaluées que dans une étude qui a déterminé qu’il s’agissait d’un test utile à la fois pour l’inclusion et pour l’exclusion d’une DPPG (Figure 9) [11]. Aucune donnée sur la reproductibilité de ce test n’a été trouvée.

Figure 6 :

Clinimétrie du test du pont fessier jambe tendue
(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance)

En outre, comme pour le test « auto-4P », ce test est toujours négatif pour une DPPG chez les femmes fertiles mais pas enceintes ne se plaignant pas de douleurs lombo-pelviennes (SP = 100%) [11].

Ce test est donc prometteur mais il devrait être davantage étudié, notamment en combinaison avec les autres tests abordés ici, avant d’être intégré dans la pratique courante.

Article suivant :

Tests pour les douleurs pelviennes postérieures en lien avec la grossesse (Partie 3)

Articles précédents : Partie 1 de cet série et Partie 1 de la série précédente sur les DSI dans la lombalgie chronique :

Tests pour les douleurs pelviennes postérieures en lien avec la grossesse (Partie 1)

Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 1)

Références : par ordre d’apparition dans le texte

  1. Wu WH, et al. Pregnancy-related pelvic girdle pain (PPP), I: Terminology, clinical presentation, and prevalence. Eur Spine J. 2004 Nov;13(7):575-89
  2. Ostgaard HC, Zetherström G, Roos-Hansson E. The posterior pelvic pain provocation test in pregnant women. Eur Spine J. 1994;3(5):258-60
  3. Gutke A, et al. Posterior pelvic pain provocation test is negative in patients with lumbar herniated discs. Eur Spine J. 2009 Jul;18(7):1008-12
  4. Vleeming A, et al. European Guidelines for the Diagnosis and Treatment of Pelvic Girdle Pain. Eur Spine J. 2008;17(6):794–819
  5. Vermani E, Mittal R, Weeks A. Pelvic girdle pain and low back pain in pregnancy: a review. Pain Pract. 2010 Jan-Feb;10(1):60-71
  6. Kanakaris K, Roberts CS, Giannoudis PV. Pregnancy-related pelvic girdle pain: an update. BMC Med. 2011 Feb 15;9:15
  7. Albert H, Godskesen M, Westergaard J. Evaluation of clinical tests used in classification procedures in pregnancy-related pelvic joint pain. Eur Spine J. 2000;9(2):161–166
  8. Fagevik Olsén M, Elden H, Gutke A. Evaluation of self-administered tests for pelvic girdle pain in pregnancy. BMC Musculoskelet Disord. 2014 Apr 27;15:138
  9. Cook C, Hegedus E. Orthopedic Physical Examination Tests: An Evidence-Based Approach – Pearson New International Edition. 2nd Edition 2017
  10. Robinson HS, et al. The reliability of selected motion- and pain provocation tests for the sacroiliac joint. Manual Therapy 12 (2007) 72–79
  11. Fagevik Olsén M, et al. Self-administered tests as a screening procedure for pregnancy-related pelvic girdle pain. Eur Spine J. 2009 Aug;18(8):1121-9
  12. Lijmer JG, et al. Empirical evidence of design-related bias in studies of diagnostic tests. JAMA. 1999 Sep 15;282(11):1061-6
  13. Rutjes AW, et al. Evidence of bias and variation in diagnostic accuracy studies. CMAJ. 2006 Feb 14;174(4):469-76
  14. Whiting PF, et al. A systematic review classifies sources of bias and variation in diagnostic test accuracy studies. J Clin Epidemiol. 2013 Oct;66(10):1093-104
  15. Damen L, et al. Pelvic pain during pregnancy is associated with asymmetric laxity of the sacroiliac joints. Acta Obstet Gynecol Scand. 2001 Nov;80(11):1019-24
  16. Damen L, et al. The prognostic value of asymmetric laxity of the sacroiliac joints in pregnancy-related pelvic pain. Spine (Phila Pa 1976). 2002 Dec 15;27(24):2820-4
  17. Kristiansson P, Svärdsudd K. Discriminatory power of tests applied in back pain during pregnancy. Spine (Phila Pa 1976). 1996;21(20):2337–2344
  18. Whiting P, et al. The development of QUADAS: a tool for the quality assessment of studies of diagnostic accuracy included in systematic reviews. BMC Med Res Methodol. 2003;3:25
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