Quatrième et dernière partie s’intéressant à la pathologie la plus fréquente dans le sport. Que signifie la prévention ? Est-elle efficace ? Si oui, de combien ? Si non, quels sont les obstacles ? Quelques réflexions liées au management des blessures du sportifs sont également explorées. Aide à la relecture : Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke, Joshua Lavallée Temps de lecture 10 minutes
Sommaire:
- La prescription en France
- Quelle formulation choisir ?
- L’impact sportif et financier
- LE patient type ?
- Stretching type
- Sprinting type
- Que faire face à une suspicion de lésion ? Diagnostic différentiel et tests cliniques
- Les particularités de l’avulsion et de la rupture complète
- La lésion classique aiguë des IJ : prédiction et pronostic
- La prise en charge de A à Z : les principes
- La prise en charge de A à Z : quelques subtilités
- Rééducation précoce
- Quelques conséquences et facteurs de risques
- Modification de l’architecture et de l’activation des IJ, que faire ?
- Les exercices en fin d’amplitude
- Une rééducation avec ou sans douleur, même combat ?
- Progresser en algorithme plutôt qu’en protocole, pour un soin individualisé.
- Prescrire des exercices à mes patients, oui mais lesquels ?
- La prise de décision du retour au sport, plus complexe qu’il n’y paraît
- La prévention avant / pendant / après la blessure
- CONCLUSION
A PRÉVENTION AVANT / PENDANT / APRÈS LA BLESSURE
Après avoir analysé la prise en charge, venons-en à notre dernière partie, mais l’une des plus importante de notre profession, qu’est la prévention. Cette partie est utile pour tout thérapeute travaillant en club, dans des pôles sportifs, ou avec des fédérations. La notion de prévention décrit l’ensemble des actions, des attitudes, et des comportements qui tendent à éviter l’apparition de maladies ou de traumatismes, ou à maintenir et à améliorer la santé.
Il convient de distinguer :
– La prévention primaire : ensemble des actes visant à diminuer l’incidence d’une maladie dans une population, et à donc réduire autant que faire se peut les risques d’apparition de nouveaux cas. Sont par conséquent pris en compte à ce stade de la prévention les conduites individuelles à risque.
– La prévention secondaire : correspond au fait de diminuer la prévalence d’une maladie dans une population. Ce stade recouvre les actes destinés à agir au tout début de l’apparition du trouble ou de la pathologie, afin de s’opposer à son évolution, ou encore pour faire minimiser les facteurs de risques.
– La prévention tertiaire : intervient à un stade où il importe de diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou des récidives dans une population, et de réduire les complications, invalidités, ou rechutes consécutives à la maladie déjà constituée.
La prévention tertiaire correspond à la rééducation en elle-même. Il faut donc qu’elle soit menée de manière efficiente, en suivant les données montrant la supériorité de certaines pratiques sur d’autres, en utilisant des exercices cohérents, en suivant une progressivité individualisée au patient par un programme en algorithme… Un autre paramètre souvent sous-évalué, et qui est pourtant essentiel dans ce type de prise en charge, est l’observance.
En 2017, Tyler et collaborateurs ont publié une étude qui suivait des athlètes ayant eu une lésion aux IJ. Par la suite, un programme progressif évoluant en algorithme était mis en place pour chaque patient. Cet algorithme permettait une progression en phases, et suivait la règle de l’indolence sur certains exercices et paramètres. La dernière phase de rééducation intégrait des exercices excentriques dans des positions d’allongement des IJ. Jusque-là tout est normal et cohérent, au vu des données que l’on a exploré précédemment. Leur critère de jugement primaire était le risque de récidives. Sur les 51 athlètes, ils ont pu observer 4 récidives. En revanche, ces 4 récidives sont toutes apparues dans une groupe spécifique d’athlètes : les non-observants. En effet, 8 athlètes ne sont pas allés au terme de leur rééducation, et ont décidé de reprendre le sport avant de réaliser la fin de la dernière phase de la rééducation. Sur un suivi de deux ans, le groupe de patients observant présentait un taux de récidive proche de 0%, alors que le groupe de patients non-observants de 50%. Les récidives ont eu lieu à 3, 4, 6, et 12 mois après le retour au sport des sujets. Cette étude nous apprend donc également que les critères de retour au sport sont essentiels à valider, afin de diminuer drastiquement le risque de rechutes.
Pour une prévention tertiaire optimale, une rééducation bien menée à son terme avec les critères de retour au sport doit être effectuée.
Tyler, T. F., Schmitt, B. M., Nicholas, S. J., & McHugh, M. P. (2017). Rehabilitation after hamstring-strain injury emphasizing eccentric strengthening at long muscle lengths: Results of long-term follow-up. Journal of sport rehabilitation, 26(2), 131-140.
La prévention secondaire correspond au screening et à l’identification des facteurs de risques, puis des athlètes à risques. La prévention secondaire permettrait une prévention ciblée, qui est non seulement fonction de sous-groupes de la population, mais aussi et surtout fonction de l’existence de facteurs de risques spécifiques à cette partie bien identifiée de la population (antécédents de récidives…)
Concernant l’identification des facteurs de risques, il doit premièrement y avoir une relation solide entre le marqueur et le risque de blessure. Il faut identifier un facteur de risque, et un test correspondant permettant de le mettre en évidence. Deuxièmement, les propriétés des tests doivent être examinées dans les populations concernées, en utilisant les outils statistiques appropriés. Une valeur-seuil de ce ou ces tests doit également être définie, afin de pouvoir trier les patients ayant un faux-positif d’un vrai-positif. En effet, une association entre un facteur et une atteinte ne permet pas forcément de faire des prédictions. Malheureusement, il n’existe actuellement aucun exemple d’un test de dépistage des blessures sportives avec des propriétés suffisantes. La troisième et dernière étape consisterait à documenter le fait qu’une intervention basée sur les tests de dépistage devrait être plus bénéfique que l’intervention seule (via un essai comparatif, mais nous en reparlerons lors de la prévention primaire).
BAHR, Roald. Why screening tests to predict injury do not work—and probably never will…: a critical review. Br J Sports Med, 2016, vol. 50, no 13, p. 776-780.
Identifier des facteurs de risque ne signifie pas identifier les athlètes à risque.
Le dépistage est une stratégie permettant d’identifier une maladie ou une atteinte chez des personnes, qu’elles soient symptomatiques ou non. Cependant, l’objectif de la prévention des blessures consiste à intervenir AVANT que la blessure ne survienne. Le contexte est donc différent. Dans le dépistage de facteurs de risques, afin de faciliter une prise de décision appropriée et une intervention potentielle, on cherche les personnes qui possèdent des expositions ou des traits qui augmentent leur probabilité de subir une future blessure.
Il existe malheureusement certaines limites aux paradigmes utilisés dans le dépistage, qui devraient montrer de faibles associations, mêmes si les facteurs de risques étaient associés à une blessure :
- La complexité et l’interaction des facteurs de risques entre eux : facteurs confondants
- La temporalité
- Des facteurs présents dans une population très spécifique (donc restreinte)
En effet, l’augmentation du risque de blessure peut être temporaire, et les résultats du dépistage sont mesurés à un moment précis dans le temps. C’est pour cela que l’on pourrait ne pas parvenir à identifier un facteur de risque, et cela même si c’était un facteur de risque. Certains auteurs préconisent la mesure répétée de paramètres, ainsi qu’un suivi des variables dans le temps.
Avis personnel : Ce modèle semble tout à fait pertinent, cependant la question de la faisabilité se pose également (quand ? combien ? à quelle fréquence ? pour quels paramètres ? avec quel matériel ?)
Les modèles actuels devraient prendre en compte les variations temporelles de ces facteurs. Par conséquent, même si des résultats peuvent indiquer une association entre un facteur et le risque de survenue d’une blessure, cela ne peut être interprété comme étant prédictif. L’identification d’un facteur de risque ne signifie pas que nous puissions identifier un athlète à risque. De plus, un dépistage sans action n’est qu’une collecte de données n’ayant aucune valeur pour l’athlète, donc potentiellement une perte de temps…
Bittencourt NF, Meeuwisse WH, Mendonça LD, et al. Complex systems approach for sports injuries: moving from risk factor identification to injury pattern recognition-narrative review and new concept. Br J Sports Med 2016;50:1309–14.
Des facteurs de risques spécifiques aux lésions des IJ ont pu être identifié comme augmentant la chance de survenue de blessures. Nous avons pu en parler dans l’un des précédents billets. Voici ci-dessous le tableau tiré de l’étude de Buckthorpe et al 2019. Parmi les facteurs de risques que nous pourrions identifier; certains ne sont pas modifiables, comme les antécédents de lésions aux IJ et l’âge, et d’autres le sont, comme la force excentrique des IJ, leur architecture, ou encore l’exposition aux sprints.
Buckthorpe M, Wright S, Bruce-Low S, et al. Recommendations for hamstring injury prevention in elite football: translating research into practice. Br J Sports Med 2019;53:449–56.
Selon certains auteurs comme Nicol van Dyk ou Roald Bahr, nous ne pouvons identifier les athlètes qui “vont” se blesser par nos tests. Par conséquent, les interventions visant à réduire les risques de survenue de blessures en jouant sur les facteurs modifiables, pourraient être proposées à des groupes entiers sans distinction. En effet, la majorité des nouvelles blessures survenant durant la saison s’intéressent à des athlètes sans antécédents. Par conséquent, si nous n’avons pas de tests permettant d’identifier les athlètes plus à risques avec un seuil de sensibilité performant, tous les athlètes devraient suivre des programmes de prévention si ceux-ci ont pu montrer leur efficacité. Des débats existent concernant l’utilité et l’avenir des tests.
Parmi les auteurs à lire et suivre afin d’étayer son opinion, nous recommandons N.van Dyk, R.Bahr, E.Witvrouw, J.Petersen.
Verhagen, Evert, Nicol van Dyk, Nicholas Clark, and Ian Shrier. « Do not throw the baby out with the bathwater; screening can identify meaningful risk factors for sports injuries. » (2018): 1223-1224.
van Dyk, Nicol, and Benjamin Clarsen. « Prevention forecast: cloudy with a chance of injury. » (2017): 1646-1647.
van Dyk, N., Bahr, R., Burnett, A. F., Whiteley, R., Bakken, A., Mosler, A., … & Witvrouw, E. (2017). A comprehensive strength testing protocol offers no clinical value in predicting risk of hamstring injury: a prospective cohort study of 413 professional football players. Br J Sports Med, 51(23), 1695-1702.
QUID DES TESTS EN DEBUT DE SAISON ?
Est-ce-que cela veut dire que les tests sont inutiles ? Non, mais il faut au vu des données existantes, réévaluer nos attentes vis-à-vis d’eux. Les périodes de tests des athlètes ne permettent donc pas de faire des prédictions concernant les blessure des athlètes, ou d’analyser les risques individuels. Cependant, cette période de testing permet de faire le point sur l’état de santé de l’athlète, détecter d’autres conditions musculo-squelettiques qui nécessiteraient une prise en charge ou une surveillance, d’établir des performances de début de saison et des références individuelles, de forger une relation avec les athlètes, ainsi que de pouvoir les éduquer et les informer. Que comprendre de la prévention secondaire ? Nous avons besoin de plus de données, car à ce jour, intervenir pour tous les individus du groupe semble être le plus pertinent.
PHE = periodic health evaluation
“THERE ARE MANY GOOD REASONS TO SCREEN YOUR ATHLETES – BUT PREDICTING FUTURE INJURY IS NOT ONE OF THEM”– Ecrit par Nicol van Dyk, Arnhild Bakken, Stephen Targett et Roald Bahr, Qatar
Par exemple, deux croyances communes, apprises en IFMK sur lesquelles nous avons des données :
- Le FMS (Functional Movement Screening) ne permet ni de prédire les athlètes qui se blesseront, ni d’identifier les athlètes à risques.
- Ni le coach, ni les thérapeutes ne sont capables de prédire quels athlètes se feront une lésion des ligaments croisés en analysant la manière dont ils se réceptionnent. » Mais quand il/elle atterrit on retrouve un genou valgum actif » ouai bah on sait qu’on s’en fou. Si vous n’êtes pas d’accord avec cela je vous invite à analyser les sources.
Moran, R. W., Schneiders, A. G., Mason, J., & Sullivan, S. J. (2017). Do Functional Movement Screen (FMS) composite scores predict subsequent injury? A systematic review with meta-analysis. Br J Sports Med, 51(23), 1661-1669.
Mørtvedt, A. I. (2017). Sports medicine professionals cannot predict ACL injury risk in elite female players: A ROC analysis of visual assessment of the vertical drop jump test (Master’s thesis).
Mørtvedt, A. I., Krosshaug, T., Bahr, R., & Petushek, E. (2020). I spy with my little eye… a knee about to go ‘pop’? Can coaches and sports medicine professionals predict who is at greater risk of ACL rupture?. British journal of sports medicine, 54(3), 154-158.
McCall A, Davison M, Carling C, et al. Can offield ’brains’ provide a competitive advantage in professional football? Br J Sports Med 2016;50:710–2.
Des interventions individualisées peuvent être décidées à partir d’autres tests, comme l’analyse vidéo du sprint, le triple hop test, ou encore le profil force-vitesse. Cela aura peut-être sa place durant la rééducation, surtout dans la préparation physique, mais dire que nous réalisons de la prévention ne serait pas correct.
Peut-être que d’autres interventions pourraient aider des athlètes, cependant tant que des données solides ne permettent pas de mettre en évidence un bénéfice sur un sous-groupe identifié/identifiable, il semble raisonnable de privilégier en premier lieu les interventions ayant démontré leurs bénéfices sur la prévention des blessures.
Exemple : Évaluer la flexibilité des Ischio-Jambiers ne permet PAS de détecter les athlètes à risques. Étirer nos athlètes ne permet pas de diminuer le risque de survenue de blessure aux IJ. Cette intervention peut être utilisée pour autre-chose, mais pour ce qui concerne la prévention des blessures, seuls les éléments les plus utiles devraient être proposées. La notion d’étirement est pourtant une croyance fortement répandue, et tous les étudiants revenant de stage dans des clubs sportifs pourront le confirmer.
O’Connor, S., McCaffrey, N., Whyte, E. F., Fop, M., Murphy, B., & Moran, K. A. (2019). Is Poor Hamstring Flexibility a Risk Factor for Hamstring Injury in Gaelic Games?. Journal of sport rehabilitation, 28(7), 677-681.
Van Crombrugge, G., Duvivier, B. M., Van Crombrugge, K., Bellemans, J., & Peers, K. (2019). Hamstring injury prevention in Belgian and English elite football teams. Acta orthopaedica Belgica, 85(3), 373-380.
Van Doormaal, M. C., van Der Horst, N., Backx, F. J., Smits, D. W., & Huisstede, B. M. (2017). No relationship between hamstring flexibility and hamstring injuries in male amateur soccer players: a prospective study. The American journal of sports medicine, 45(1), 121-126.
McHugh, M. P., & Cosgrave, C. H. (2010). To stretch or not to stretch: the role of stretching in injury prevention and performance. Scandinavian journal of medicine & science in sports, 20(2), 169-181.
McCall, A., Davison, M., Carling, C. ORCID: 0000000274563493, Buckthorpe, M., Coutts, A.J., and Dupont, G. (2016) Can offfield ‘brains’ provide a competitive advantage in professional football? British Journal of Sports Medicine, 50 (12). pp. 710712
Intéressons-nous désormais au dernier type de prévention : la prévention primaire, ou agir avant que le mal ne survienne (“le vaccin”). Lorsque l’on parle de prévention, cela se réfère majoritairement au type de prévention primaire dans l’imaginaire collectif. Il semblait indispensable de discuter également des autres formes de préventions, afin de connaître certains pré-requis permettant de comprendre la prévention tertiaire. Lorsque nous avons pu mettre en évidence certains facteurs de risques modifiables, de nouvelles études interventionnelles préventives seraient utiles, afin d’évaluer l’efficience de cette approche.
Spoiler : oui nous avons les moyens de mener des actions préventives efficaces contre le risque de lésions myocollagéniques aux Ischio-Jambiers.
Vatovec, R., Kozinc, Ž., & Šarabon, N. (2019). Exercise interventions to prevent hamstring injuries in athletes: A systematic review and meta-analysis. European journal of sport science, 1-13.
On pense que les blessures à la jonction myofasciale/tendon musculaire des Ischio-Jambiers se produisent lorsque des forces dépassant les limites mécaniques des tissus, causent une perturbation mécanique. Par conséquent, une stratégie de prévention clé pour prévenir les lésions aux IJ devrait consister en l’accroissement de la capacité des tissus à supporter les contraintes, et ainsi élever ainsi le seuil de sécurité pour les blessures. L’utilisation des exercices excentriques pour les IJ est la stratégie fondée sur des données probantes la plus recommandée pour la prévention des lésions aux IJ. Il a été démontré que cette intervention réduit considérablement le risque de lésions, et particulièrement grâce à l’ajout du Nordic Hamstring. Au vu des données récentes incluant tous types d’athlètes à différents âges, niveaux sportifs, cultures, et de l’hétérogénéité des études, toutes vont dans le même sens, l’ajout d’exercices excentriques incluant au minimum le nordic hamstring comme stratégie préventive est recommandé, car semble diminuer au moins de moitié le risque de survenue de futures lésions aigües myocollagéniques aux Ischio-Jambiers. Etant donné que plus de la moitié des lésions aux IJ sont subies par des athlètes n’ayant aucun antécédent, il est plus que pertinent de ne pas attribuer une intervention préventive uniquement à des athlètes présentant plusieurs facteurs de risques identifiables, mais plutôt à toute l’équipe.
Il est facilement admis que des mesures préventives de sécurité sur les chantiers sont à adopter pour tout le personnel évoluant dans le périmètre, pourtant la question ne se pose pas de ne viser que les professionnels les plus à risques (chaussures de sécurité, casques…) Il devrait être admis que, lorsque des interventions fonctionnent pour réduire le risque de survenue d’évènements indésirables, elles devraient être adoptées et proposées à tous.
Cela illustre correctement le fait que les données tirées des études de dépistage, ainsi que les études interventionnelles basées sur ces dépistages, peuvent nous aider à créer des programmes de prévention efficaces et cohérents. Et cela malgré toutes les limites et subtilités que nous avons mises en avant
van Dyk, N., Behan, F. P., & Whiteley, R. (2019). Including the Nordic hamstring exercise in injury prevention programmes halves the rate of hamstring injuries: a systematic review and meta-analysis of 8459 athletes. British journal of sports medicine, 53(21), 1362-1370.
Vatovec, R., Kozinc, Ž., & Šarabon, N. (2019). Exercise interventions to prevent hamstring injuries in athletes: A systematic review and meta-analysis. European journal of sport science, 1-13.
Goode, A. P., Reiman, M. P., Harris, L., DeLisa, L., Kauffman, A., Beltramo, D., … & Taylor, A. B. (2015). Eccentric training for prevention of hamstring injuries may depend on intervention compliance: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med, 49(6), 349-356.
Pour autant, savons-nous sur quels paramètres et facteurs de risques agissent ces exercices ? Ils semblent agir sur l’architecture, la force excentrique, la fatigabilité des muscles ainsi que leur tolérance à l’effort, et la coordination entre les différentes structures. C’est une approche multi-dimensionnelle
Nous savons à ce jour que les exercices excentriques modifient positivement l’architecture des muscles, et que cette architecture qui semble elle même constituer un facteur de risque à part entière. La majorité des études concernant la prescription de Nordic Hamstring ont effectué un programme allant de 6 à 10 semaines.
Bourne, M. N., Timmins, R. G., Opar, D. A., Pizzari, T., Ruddy, J. D., Sims, C., … & Shield, A. J. (2018). An evidence-based framework for strengthening exercises to prevent hamstring injury. Sports Medicine, 48(2), 251-267.
Cette modification dans l’architecture des fascicules musculaires évolue au cours du temps et pendant la saison. Certains auteurs préconisent donc de conserver des phases où les athlètes réalisent leur programme de prévention tout le long de la saison, afin de minimiser les risques. La prévention tertiaire pourrait faire partie d’une routine entre les entraînements, ou autour des entraînements. L’ajout de charge durant le nordic hamstring semble être une solution de choix pour une meilleure adaptation des tissus.
Pollard, C. W., Opar, D. A., Williams, M. D., Bourne, M. N., & Timmins, R. G. (2019). Razor hamstring curl and Nordic hamstring exercise architectural adaptations: impact of exercise selection and intensity. Scandinavian journal of medicine & science in sports, 29(5), 706-715.
D’autres auteurs ont pu mettre en évidence le fait qu’un entraînement comprenant un volume faible de nordic hamstring (exercices excentriques) à hauteur de 8 répétitions par semaine, permettrait les mêmes avantages sur l’architecture et la force musculaire des Ischio-Jambiers qu’une intervention comprenant 100 répétitions par semaine. Ils concluent qu’un volume élevé ou faible de cet exercice permet d’augmenter la taille des fascicules musculaires, ainsi que d’augmenter la force excentrique des muscles fléchisseurs de genou. Ils observent également une réversibilité décroissante dans l’adaptation de la taille des fascicules au bout de 2 semaines après leur programme, alors que la force excentrique est maintenue.
Presland, J. D., Timmins, R. G., Bourne, M. N., Williams, M. D., & Opar, D. A. (2018). The effect of Nordic hamstring exercise training volume on biceps femoris long head architectural adaptation. Scandinavian journal of medicine & science in sports, 28(7), 1775-1783.
Cuthbert, M., Ripley, N., McMahon, J. J., Evans, M., Haff, G. G., & Comfort, P. (2020). Reply to:“Comment on: The Effect of Nordic Hamstring Exercise Intervention Volume on Eccentric Strength and Muscle Architecture Adaptations: A Systematic Review and Meta-analyses”. Sports Medicine, 50(1), 223-225.
Vous rappelez-vous que l’on a également discuté de la place des sprints au sein de la rééducation ? Mendiguchia a publié en 2020 une étude, dont le but était de comparer les effets de 6 semaines de programme entre différents groupes de footballeurs, sur l’architecture des fascicules du biceps fémoral, ainsi que différents paramètres liés au sprint et sa performance. Sur les trois groupes,nous retrouvons un groupe ne changeant rien à leurs habitudes d’entraînement (soccer), un groupe réalisant en même temps un programme d’exercices excentriques (Nordic Hamstring), et un dernier groupe suivant, en même temps que les entraînements, un programme de sprint supplémentaire 2 fois par semaine (sprint).
Les auteurs trouvent que les programmes d’exercices excentriques et de sprint amènent à une adaptation des tissus par allongement de la longueur des fascicules, ainsi qu’une amélioration de certains paramètres liés au sprint. Ils observent également que le groupe réalisant le programme de sprints présente de meilleurs résultats concernant la taille des fascicules et les paramètres spécifiques au sprint, que le groupe effectuant le programme d’exercices excentriques. Le faible nombre de sujets par groupe ne nous permet pas de conclure de manière définitive.
Les données de cette étude sont extrêmement prometteuses, car les conditions d’intervention se rapprochent au mieux de ce que pourraient suivre des athlètes en pré-saison. De nouvelles données devraient venir confirmer ou infirmer celles dont nous disposons actuellement.
Un entraînement impliquant plus de sprints a également montré une augmentation de la force excentrique des IJ chez des athlètes adolescents, tout en améliorant certains paramètres spécifiques à la course (force horizontale, meilleure accélération).
D’autres données montrent que des programmes de sprint avec un traîneau (sled) permettent au moins tout autant de bénéfices que des entraînements sans charge additionnelle.
Certains auteurs proposent d’intégrer au moins 2 fois par semaine des phases de sprints intenses chez les athlètes réalisant des sprints en match, afin qu’une exposition chronique à ce type de contraintes permette une adaptation des tissus.
Exposition chronique : charges modérées mais régulières
Exposition aiguë : charges intenses irrégulières
Mendiguchia, J., Conceição, F., Edouard, P., Fonseca, M., Pereira, R., Lopes, H., … & Jiménez-Reyes, P. (2020). Sprint versus isolated eccentric training: Comparative effects on hamstring architecture and performance in soccer players. Plos one, 15(2), e0228283.
Freeman B, Young W, Talpey S, Smyth A, Pane C, Carlon T. The effects of sprint training and the Nordic hamstring exercise on eccentric hamstring strength and sprint performance in adolescent athletes. J Sports Med Phys Fitness. 2019; 59
Cahill, M. J., Oliver, J. L., Cronin, J. B., Clark, K. P., Cross, M. R., & Lloyd, R. S. (2019). Influence of resisted sled‐push training on the sprint force‐velocity profile of male high school athletes. Scandinavian journal of medicine & science in sports.
Alcaraz, P. E., Carlos-Vivas, J., Oponjuru, B. O., & Martinez-Rodriguez, A. (2018). The effectiveness of resisted sled training (RST) for sprint performance: a systematic review and meta-analysis. Sports Medicine, 48(9), 2143-2165.
Buckthorpe, Matthew, Steve Wright, Stewart Bruce-Low, Gianni Nanni, Thomas Sturdy, Aleksander Stephan Gross, Laura Bowen et al. « Recommendations for hamstring injury prevention in elite football: translating research into practice. » Br J Sports Med 53, no. 7 (2019): 449-456.
Le sprint est un vaccin dont il faut contrôler la dose et la qualité
A titre d’information, certains auteurs, ainsi que des observations de terrain, tendent à montrer que les joueurs qui risquent le plus souvent de souffrir d’une blessure sont des joueurs remplaçants, qui ont un volume de matchs complets moindre, ou encore ceux qui reviennent d’une blessure, et qui sont soudainement obligés de jouer pendant une période de matchs intense. Ces joueurs ont besoin d’individualiser leur entraînement, en surveillant étroitement les phases de sprints à l’entraînement, et en fournissant des compléments pour maintenir une charge de travail aiguë et chronique suffisantes en l’absence de phases de matchs.
Ces compléments peuvent prendre la forme d’une course supplémentaire pendant ou après l’entraînement, d’une séance d’entraînement supplémentaire, d’exercices spécifiques… Il a été démontré que le fait d’exposer les joueurs à des augmentations importantes et rapides des distances de sprints augmentait les chances de lésions aux IJ. Des recherches antérieures ont indiqué que des charges de travail accumulées et aiguës plus élevées étaient associées à un risque de blessure plus important, mais des augmentations progressives de la charge de travail chronique peuvent développer la tolérance physique des joueurs à des charges aiguës plus élevées, tout en diminuant le risque de blessure.
Un autre élément important de la gestion de la charge tolérée par les joueurs est de reconnaître qu’elle n’est pas seulement physique, mais qu’elle peut aussi être cognitive, psychologique et émotionnelle. Les facteurs psychosociaux peuvent contribuer à l’augmentation du risque de blessures.
Plus que la quantité de course, des recherches sont en cours afin de voir si la qualité de la course ne serait un facteur prédisposant aux blessures. Cela amènerait, selon les auteurs, à une individualisation de la prise en charge via ce point de vue. Le fait qu’actuellement, aucune donnée ne permet de nous dire qu’une manière de courir serait plus à risque qu’une autre, cela reste à l’état d’hypothèse, et nous ne pouvons pas en dire plus tant que ces hypothèses ne seront pas testées.
Malone S, et al. Can the workload-injury relationship be moderated by improved strength, speed and repeated-sprint qualities? J Sci Med Sport. 2019;22(1):29–34.
Edouard P, Mendiguchia J, Guex K. Sprinting: a potential vaccine for hamstring injury? . SPSR, 2019: 48. 1–2.
Malone S, Roe M, Doran DA, et al. High chronic training loads and exposure to bouts of maximal velocity running reduce injury risk in elite Gaelic football. J Sci Med Sport 2017;20:250–4.
C’est donc parfait, nous connaissons plutôt bien le problème, et plusieurs moyens de diminuer le risque d’apparition de cet évènement. Cependant, nous avons des données nous indiquant que la prévalence et l’incidence de ce type d’atteinte n’a fait que croître sur ces dernières années, de 4% en moyenne entre 2001 et 2014, si l’on analyse par exemple les données relatives aux équipes européennes de football.
Ekstrand, J., Walden, M., & Hagglund, M. (2016). Hamstring injuries have increased by 4% annually in men’s professional football, since 2001: A 13-year longitudinal analysis of the UEFA Elite Club injury study. British Journal of Sports Medicine, 50(12), 731–737
Y aurait-il un fossé aussi grand entre la théorie et la pratique ? Entre l’observation dans des conditions contrôlées et en saison régulière ? Existe-t-il un problème de faisabilité ? A quoi est dû cette différence si elle existe ?
Buckthorpe, Matthew, Steve Wright, Stewart Bruce-Low, Gianni Nanni, Thomas Sturdy, Aleksander Stephan Gross, Laura Bowen et al. « Recommendations for hamstring injury prevention in elite football: translating research into practice. » Br J Sports Med 53, no. 7 (2019): 449-456.
Une partie importante du problème est constituée de l’observance des athlètes, et de l’adhérence des staffs médicaux et du coaching staff au suivi des programmes de prévention.
Le problème avait déjà été soulevé par Gabbe et son équipe en 2006. Ils ont pu mettre en évidence l’utilité des sessions de nordic hamstring durant la saison, induisant une diminution du risque de blessures. Cependant, moins de la moitié des athlètes sont allés au bout des programmes préconisés. Les programmes contenaient 72 répétitions de nordic hamstring par sessions, et ce sur 5 sessions. Une intervention contenant moins de répétitions mais une fréquence plus importante pourrait être une solution. Une des raisons principales du manque d’observance des athlètes au sein de cette étude est liée aux courbatures ressenties suite à ce type de programme. Certains athlètes pensent que ces courbatures augmentent le risque de blessures. De plus, ils ont peur de faire du renforcement à cause des courbatures ressenties après les sessions d’exercices. Cette croyance devrait être explorée et discutée avec les athlètes.
Gabbe, B. J., Branson, R., & Bennell, K. L. (2006). A pilot randomised controlled trial of eccentric exercise to prevent hamstring injuries in community-level Australian Football. Journal of science and medicine in sport, 9(1-2), 103-109.
Seagrave et coll en 2014 ont publié une étude interventionnelle concernant le nordic hamstring sur la prévention des blessures chez les joueurs de baseball durant la saison 2012, soit 162 matchs. Sur les 243 joueurs initialement inclus au sein de leur groupe « intervention », seul 65 furent incluent au final, car ayant respecté les consignes permettant d’entrer dans de ce groupe, qui consistait à effectuer au minimum 3,5 nordic hamstring par semaine (144 excluent car non-observants). Ils n’ont observé aucun événement traumatique lié aux IJ pour le groupe « intervention », alors que 9% des athlètes dans le groupe contrôle ont subi des blessures aux IJ. Cela a amené à 136 jours d’absence des joueurs dans le groupe contrôle. Nous pouvons facilement imaginer l’impact de l’absence des joueurs sur les performances des équipes. Même pour un programme contenant peu de répétitions, l’observance reste faible.
Seagrave III, R. A., Perez, L., McQueeney, S., Toby, E. B., Key, V., & Nelson, J. D. (2014). Preventive effects of eccentric training on acute hamstring muscle injury in professional baseball. Orthopaedic journal of sports medicine, 2(6), 2325967114535351.
Van der Horst et coll ont mesuré une observance de 91% au sein de leur groupe expérimental. Pour ce faire, les athlètes étaient prévenus que les seuls effets secondaires seraient quelques courbatures les premières semaines. Le staff médical ainsi que les coachs participaient en collectant certaines données tout en supervisant la réalisation des exercices, qui étaient réalisés en binôme de joueurs., afin de rendre plus ludique sa réalisation.
van der Horst, N., Smits, D. W., Petersen, J., Goedhart, E. A., & Backx, F. J. (2015). The preventive effect of the nordic hamstring exercise on hamstring injuries in amateur soccer players: a randomized controlled trial. The American journal of sports medicine, 43(6), 1316-1323.
L’équipe de Bahr en 2015 s’est intéressée à l’application du Nordic Hamstring comme exercice de prévention au sein des clubs européens. (50 clubs sur 3 ans avec un taux de réponse 100% dont 32 clubs évoluant en Champions League et 18 clubs de la ligue professionnelle Norvégienne). Les équipes sont classées dans différents groupes selon leurs réponses aux questionnaires. Les équipes sont désignées comme observantes (compliantes) si elles vont au bout des 10 semaines de programme de Nordic Hamstring, avec un suivi des d’exercices (NH) toutes les semaines pour au moins 75% des athlètes. D’autres sont désignées comme partiellement observantes si elles ont fait au moins 5 semaines de programme avec un suivi des exercices pour au moins 50% des athlètes. Les dernières équipes sont considérées comme non-observantes, si elles réalisaient moins d’exercices que le groupe partiellement observant.
Pourcentage d’équipes non-observantes au terme de l’étude : 83%.
Dit autrement : seul 16% étaient réellement observants pour une action protectrice envers leurs athlètes.
La prévention des lésions aux Ischio-Jambiers ne semble pas être une priorité pour les équipes professionnelles de football. La majorité des équipes disent effectuer des actions préventives par le biais d’exercices. Le problème est qu’ils placent le nordic hamstring comme le 5e exercice pouvant aider à la diminution du risque de blessures sans contact, et surtout que les équipes proposent des actions préventives qui ont toutes pour point commun de n’avoir jamais démontré leur efficacité pour ce critère de jugement. Dit autrement : ils ne font pas de prévention, puisqu’ils appliquent des interventions n’ayant jamais démontré leur efficacité (ou parfois démontré leur inefficacité) sur la diminution du risque de blessure.
Les auteurs annoncent qu’il serait indispensable de prioriser et de hiérarchiser les facteurs de risques selon l’influence que l’on a sur eux ainsi que leur importance.
L’étude de Bahr et coll montre même que l’observance n’est pas supérieure dans le championnat Norvégien, ce qui est surprenant d’après les auteurs car ce type de programme a été intégré dans un premier temps dans les régions nord-européennes.
Bahr R, Thorborg K, Ekstrand J. Evidence-based hamstring injury prevention is not adopted by the majority of Champions League or Norwegian Premier League football teams: the Nordic Hamstring survey. Br J Sports Med. 2015;49(22):1466–71.
A l’heure actuelle les équipes de football professionnel continuent de mettre en place des étirements, alors que cette intervention a échoué à démontrer un effet significatif sur l’architecture des fascicules musculaires, ou sur diminution du risque de blessure.
Van Crombrugge, G., Duvivier, B. M., Van Crombrugge, K., Bellemans, J., & Peers, K. (2019). Hamstring injury prevention in Belgian and English elite football teams. Acta orthopaedica Belgica, 85(3), 373-380
Arnason A, Andersen TE, Holme I, et al. Prevention of hamstring strains in elite soccer: an intervention study. Scand J Med Sci Sports 2007;18:40–8.
https://www.kinefact.com/physiologie/biomecanique-des-etirements/
https://www.kinefact.com/physiologie/biomecanique-des-etirements-partie-ii/
La déconnexion entre les évidences et l’application semble être sur un plan différent que la difficulté à réaliser et mettre en place ce programme. Ce n’est pas un problème d’organisation.
Les staffs médicaux, au sein des clubs, semblent prendre conscience des facteurs de risques pouvant exister dans la survenue de ce type de blessure. Selon eux, afin que les programmes de prévention puissent être appliqués, cela nécessiterait une relation forte entre différents facteurs: adhérence de l’athlète, qualité de l’exécution des mouvements par les athlètes, participation des autres staffs dont le coaching staff qui devrait prendre en compte l’importance de ces interventions.
Parmi les obstacles rencontrés par les staffs médicaux pour obtenir une meilleure adhérence des athlètes, ils observent : les courbatures ressenties suite aux exercices, la peur de sentir les « jambes lourdes » lors des matchs, la croyance de l’inefficacité de ce type de programme sur la prévention, voire pire, la croyance que ces exercices vont générer des blessures.
Parmi les obstacles rencontrés pour obtenir une plus grande flexibilité du coaching staff avec l’utilisation de ces programmes de prévention : de rares coachs ne croient ni en l’individualisation des interventions, ni en l’efficience des programmes de prévention. La majorité veut que les athlètes puissent performer pleinement avec le reste de l’équipe durant les entraînements mais ils ont la croyance qu’un programme de Nordic Hamstring limiterait les athlètes dans leurs entraînements…
Il semble y avoir une différence perceptible dans l’imaginaire collectif entre le risque absolu et le risque perçu concernant ce type de blessure. Voici un exemple illustrant mon propos : le risque perçu concernant le fait de fumer des cigarettes est moins grand que ne pas porter sa ceinture en voiture, pourtant beaucoup plus de gens meurent des conséquences du tabac que des conséquences des accidents de la route. Les acteurs permettant la mise en place de ces programmes de prévention ne semblent pas avoir les connaissances nécessaires sur le sujet. Il faudrait donc peut-être agir à grande échelle en tant que profession s’intéressant à la santé et à la prévention, afin que les bonnes interventions soient menées, et que les différents acteurs soient informés des évidences actuelles. La vision de la balance bénéfices-risques sur le court terme puis sur le long terme de l’utilisation de ces programmes de prévention doit être discutée et diffusée.
Les staffs médicaux préconisent d’améliorer la relation avec le coaching staff, de faire de l’éducation aux coachs et aux athlètes, de présenter les bénéfices de ce type d’approche, et d’améliorer la communication et la confiance avec ces différents acteurs. Peut-être faudrait-il leur rappeler que c’est la blessure avec la plus grande incidence, amenant à de nombreuses récidives (coucou Ousmane Dembélé, Abou Diaby et Yoann Gourcuff), à une perte en moyenne de 500 000€ pour 1 mois d’absence des athlètes blessés pour les clubs, voir beaucoup plus si c’est un joueur titulair. Sans compter possiblement le nombre de points perdus liée à l’absence du joueur clé, du temps de jeu en moins pour les athlètes, un risque de rechute augmenté, et des capacités neuromusculaires potentiellement altérées sur le long terme.
McCall A, Dupont G, Ekstrand J. Injury prevention strategies, coach compliance and player adherence of 33 of the UEFA Elite Club Injury Study teams: a survey of teams’ head medical officers. Br J Sports Med. 2016;50(12):725–30
Ekstrand J, Lundqvist D, Lagerbäck L, et al. Is there a correlation between coaches’ leadership styles and injuries in elite football teams? A study of 36 elite teams in 17 countries. Br J Sports Med 2018;52:527–31.
Hickey J, Shield AJ, Williams MD, Opar DA. The financial cost of hamstring strain injuries in the Australian Football League. Br J Sports Med 48 : 729-730, 2014
Ekstrand J. Keeping your top players on the pitch: the key to football medicine at the professional level. Br J Sports Med 2013;47:723–4.
Morgan, E. A., Johnson, S. T., Bovbjerg, V. E., & Norcross, M. F. (2018). Associations between player age and club soccer coaches’ perceptions of injury risk and lower extremity injury prevention program use. International Journal of Sports Science & Coaching, 13(1), 122-128.
D’autres études ont été menées afin d’en apprendre plus sur la perception de divers programmes de prévention des blessures. Les éléments explorés au sein de ces études sont les facilitateurs et les barrières pour l’appropriation et le fait de maintenir dans le temps de ces programmes. Le but était bien sûr d’en améliorer la transmission et l’utilisation.
Ces études ont trouvé que l’appropriation (adoption) de ces programmes est grandement dépendante de la motivation des coachs, ainsi que d’autres facteurs qui sont liés à des effets de groupe. Les coachs disent qu’un des plus grands challenges des programmes de prévention est qu’il est difficile de percevoir et de quantifier leurs effets, et que c’est une vision sur le long terme alors même que le coaching staff peut changer.
De nombreux coachs sont en demande de plus de supports et de retours concernant l’utilisation de ces programmes. Ils apprécieraient qu’un expert externe vienne au club, afin de les informer des paramètres importants à faire. Les entraîneurs ont également pensé que l’enseignement pratique pourrait leur en apprendre davantage sur l’exécution des exercices, même si certains avaient initialement participé à des ateliers. Nous pourrions avoir notre rôle à jouer dans la formation des coachs sportifs diplômés.
Quelques entraîneurs ont appris certains programmes de prévention par l’intermédiaire de leur club, de leur fédération, ou au cours de leur formation générale d’entraîneur. Comme les nouveaux entraîneurs vont et viennent en permanence, certains d’entre eux ont souligné que l’information doit être diffusée en permanence. Lorsque les entraîneurs ont vu ou entendu parler d’autres personnes utilisant ces programmes, ils ont estimé qu’ils avaient pris la bonne décision en l’adoptant. Certaines associations et certains clubs se consacrent à la formation préventive, mais en général, peu d’entraîneurs se sentent soutenus par le club, la fédération ou l’association.
De nombreux entraîneurs ont estimé qu’il était nécessaire d’améliorer la qualité des mouvements et la motivation des joueurs lors de l’exécution des programmes. Afin d’accroître la motivation des joueurs, les entraîneurs ont suggéré d’utiliser des modèles, d’impliquer davantage les joueurs pendant l’entraînement, et de rendre celui-ci plus ludique. Ils ont également exprimé le souhait d’une plus grande sensibilisation des joueurs aux blessures et aux avantages de la prévention. Ils ont suggéré que cela pourrait être obtenu par l’éducation et l’information via la fédération mais aussi par la couverture médiatique, en diffusant cette problématique au plus grand nombre
Parmi certains facilitateurs, le fait que les programmes soient simples et ne nécessitent aucun matériel est plus qu’appréciable, car très pratique. Ils réclamaient également des exemples de progressions et de modifications, afin d’individualiser les programmes selon les conditions ou les athlètes.
Lindblom, H., Carlfjord, S., & Hägglund, M. (2018). Adoption and use of an injury prevention exercise program in female football: a qualitative study among coaches. Scandinavian journal of medicine & science in sports, 28(3), 1295-1303.
Richmond, S. A., Donaldson, A., Macpherson, A., Bridel, W., van den Berg, C., Finch, C. F., … & Emery, C. A. (2020). Facilitators and barriers to the implementation of iSPRINT: a sport injury prevention program in junior high schools. Clinical journal of sport medicine, 30(3), 231-238.
La formation à la prévention des blessures fondée sur des données probantes a un impact limité sur la santé publique, parce qu’elle n’est pas mise en œuvre ou soutenue à grande échelle ou intégrée de manière adéquate.
Roald Bahr défend l’idée que nous devrions nous concentrer pas seulement sur les blessures ayant la plus grande incidence, mais également celles menant à plus d’incapacités ou récidives.Un programme de prévention connu à grande échelle existe et a démontré son utilité pour prévenir un grand nombre de blessures traumatiques avec ou sans contact, ou liées à une surcharge de contraintes (overuse injury comme les tendinopathies par exemple). Ce programme vise la prévention de plusieurs types de blessures et inclut dans ses exercices des sprint, un augmentation progressive de la charge et du volume d’exercices, des exercices d’équilibre, des exercices excentriques des IJ, d’où son effet bénéfique pour les lésions aux IJ (Nordic Hamstring). Il est préconisé de l’utiliser comme échauffement un minimum de 2 fois par semaine au minimum. Il est simple d’utilisation et dure 20 minutes. Ce type de programme est plus utile à intégrer dans une équipe par les coachs. Certes les enfants et joueurs sont présents à l’entraînement pour s’amuser et travailler de manière spécifique, cependant voici les bénéfices liés à l’intégration de ces protocoles de prévention :
- Moins de blessure donc les joueurs sont plus disponibles
- Moins de risque d’incapacités et de journées d’absence
- Plus de temps de jeu sain donc plus de performance
- Perte de revenu lié à l’absence du joueur ou à l’investigation des blessures
Il a été démontré que le FIFA 11+ réduisait de manière statistiquement significative le taux de blessures et la perte de temps de jeu due aux blessures chez les joueurs de football. Plus le programme est utilisé de manière régulière, plus le bénéfice en termes de prévention des blessures est important.
https://www.fifamedicalnetwork.com/lessons/prevention-fifa-11/
Ishøi, L., Krommes, K., Husted, R. S., Juhl, C. B., Virgile, A., & Thorborg, K. (2020). Infographic. Diagnosis, prevention and treatment of common lower extremity muscle injuries in sport—grading the evidence: a statement paper commissioned by the Danish Society of Sports Physical Therapy (DSSF). British Journal of Sports Medicine.
Nouni-Garcia, R., Asensio-Garcia, M. R., Orozco-Beltran, D., Lopez-Pineda, A., Gil-Guillen, V. F., Quesada, J. A., … & Carratala-Munuera, C. (2019). The FIFA 11 programme reduces the costs associated with ankle and hamstring injuries in amateur Spanish football players: A retrospective cohort study. European journal of sport science, 19(8), 1150-1156.
Rössler, R., Verhagen, E., Rommers, N., Dvorak, J., Junge, A., Lichtenstein, E., … & Faude, O. (2019). Comparison of the ‘11+ Kids’ injury prevention programme and a regular warmup in children’s football (soccer): a cost effectiveness analysis. Br J Sports Med, 53(5), 309-314.
Silvers-Granelli, H. J., Bizzini, M., Arundale, A., Mandelbaum, B. R., & Snyder-Mackler, L. (2018). Higher compliance to a neuromuscular injury prevention program improves overall injury rate in male football players. Knee surgery, sports traumatology, arthroscopy, 26(7), 1975-1983.
Nouni-Garcia, R., Carratala-Munuera, C., Orozco-Beltran, D., Lopez-Pineda, A., Asensio-Garcia, M. R., & Gil-Guillen, V. F. (2018). Clinical benefit of the FIFA 11 programme for the prevention of hamstring and lateral ankle ligament injuries among amateur soccer players. Injury prevention, 24(2), 149-154.
Al Attar, W. S. A., Soomro, N., Pappas, E., Sinclair, P. J., & Sanders, R. H. (2017). Adding a post-training FIFA 11+ exercise program to the pre-training FIFA 11+ injury prevention program reduces injury rates among male amateur soccer players: a cluster-randomised trial. Journal of physiotherapy, 63(4), 235-242.
Bahr, R., Clarsen, B., & Ekstrand, J. (2018). Why we should focus on the burden of injuries and illnesses, not just their incidence.
Les utilisateurs finaux sont malheureusement rarement impliqués dans le processus d’élaboration d’une intervention, bien que cela soit important pour une mise en application, mais ils subissent de plein fouet toutes les mauvaises croyances empêchant d’évoluer vers la bonne direction.
Comme la non-utilisation ne semble pas découler d’un manque de faisabilité, les stratégies de communication existantes devraient être améliorées. Si nous voulons que les programmes de prévention soient adoptés, nous pouvons toucher les jeunes, ou les professionnels qui vont influencer les nouvelles générations. L’éducation des athlètes est également un élément clé pour leur santé et la longévité de leur carrière.
O’Brien J, Finch CF. Injury prevention exercise programmes in professional youth soccer: understanding the perceptions of programme deliverers BMJ Open Sport Exerc Med 2016;2:e000075.
O’Brien, J., Young, W., & Finch, C. F. (2017). The delivery of injury prevention exercise programmes in professional youth soccer: Comparison to the FIFA 11+. Journal of science and medicine in sport, 20(1), 26-31.
Ageberg, E., Bunke, S., Nilsen, P., & Donaldson, A. (2020). Planning injury prevention training for youth handball players: application of the generalisable six-step intervention development process. Injury prevention, 26(2), 164-169.
Read, P. J., Jimenez, P., Oliver, J. L., & Lloyd, R. S. (2018). Injury prevention in male youth soccer: Current practices and perceptions of practitioners working at elite English academies. Journal of sports sciences, 36(12), 1423-1431.
Les VRAIS programmes de prévention devraient être appliqués afin d’obtenir des effets préventifs, cependant, l’adhésion, ainsi que leur suivi sur le long terme, sont de réels challenges. Le savoir et les croyances des coachs concernant les blessures ne semblent pas transparaître dans l’adoption des programmes préventifs.
La fréquence hebdomadaire de sprint et la progression de la charge d’entraînement ne sont qu’une partie. Tous les exercices excentriques (Nordic Hamstring), l’entraînement à l’équilibre (pistol squat, diver …) sont également des stratégies efficaces pour réduire le taux de blessures aux ischio-jambiers. En outre, une routine d’échauffement spécifique (FIFA 11+), qui comprend une combinaison d’exercices de résistance et d’équilibre, s’est avérée être un bon exemple d’intervention globale efficace et rapide.
CONCLUSION
Vous en savez beaucoup maintenant et j’espère que vous serez à l’aise avec ce type de prise en charge. Que conclure de plus que :
- Nous savons identifier le problème
- Nous savons le prendre en charge
- Nous savons diminuer les risques de récidives
- Nous savons en faire la prévention
- Reste à appliquer, diffuser tout cela avant de vouloir intégrer d’autres interventions qui n’ont pas démontré leur bénéfice.
Il en resterait à dire mais on a dépassé les 100 pages de lecture sur mon WORD.
Derniers petits mots avant de vous laisser car je pense que vous avez déjà assez mal à la tête comme cela. Je ne parle qu’en mon nom et ce qui va suivre représente les données que j’ai pu accumuler à ce jour : ÂMES SENSIBLES S’ABSTENIR.
Cette liste est également pour certains amis préparateurs sportifs et athlètes, que je côtoie, qui voudraient que leurs soient appliqués les meilleurs soins disponibles et ne pas perdre de temps : Tecarthérapie, PRP, dry-needling, ventouses, cupping, cryothérapie corps entier, massage, crochetage, ekman thérapie ;
N’ONT PAS FAIT PREUVE DE LEUR EFFICACITÉ DANS LA PRISE EN CHARGE DES LÉSIONS MUSCULAIRES OU MYO-COLLAGÉNIQUES EN 2020.
Un massage par exemple peut faire du bien sur le moment, mais ça ne vous aidera pas à guérir plus vite ou à mieux cicatriser. Est ce que je dis qu’il faut les bannir ? Sans doute qu’il faut les reléguer au second rang car on a assez à faire avec des traitements que l’on sait efficace. Nous avons besoin de plus d’éléments pour nous positionner positivement dessus. Comme certains auteurs l’ont dit : nous ne pouvons dire que l’on fait de la prévention sans avoir évalué qu’une intervention X a démontré un effet préventif sur la survenue d’une atteinte.
Pour mes amis athlètes et collègues préparateurs sportifs, rappelez vous que votre corps est votre outil de travail, vous permet de réaliser ce que vous aimez et que prendre en charge ce type de blessure qui présente un haut taux de récidive, est crucial. Votre corps est votre meilleur investissement.
Rappelez-vous que nous sommes censés vous aider, en étant un des acteurs au centre de votre santé, à la jonction entre l’incapacité/blessure et la préparation physique. Il est même fréquent que certains athlètes préfèrent effectuer une préparation physique avec un professionnel ayant la double casquette soin/performance. En espérant que certains deviennent coachs, vous savez désormais que si vous voulez que vos jeunes athlètes aient une carrière longue, ils doivent prendre en charge leurs blessures au risque de perdre beaucoup de temps de jeu suite à une récidive ou une atteinte plus importante.
Nous pouvons avoir une vision à court terme : tu joues blessé mais on a vu plus haut que tu t’exposes à plus de risque de rechute ou de blessures amenant à une incapacité plus longue. Nous pouvons avoir une vision sur le long terme : tu repousses l’échéance et tu prends en charge rapidement ta blessure pour peut-être revenir à un meilleur niveau. Cette prise de décision n’est pas simple car elle dépend des performances à accomplir sur UN match, parfois UN tournoi, UNE sélection. Désormais la décision peut être prise de manière éclairée avec ces données supplémentaires. Prenez soin de vous.
Kevin Mwamba Anthony MahoungouJason Aguemon
Pour mes amis thérapeutes ou étudiants je vais être plus direct : PRIMUM NON NOCERE !
Concentrons-nous à mieux gérer ce que l’on connaît et ce que l’on sait maîtriser avant de vouloir chercher LA technique sexy et magique sur des paramètres qu’aucun test cliniquement utile/pertinent nous permet d’identifier au sein d’une population cible. Certaines observations faites sur le terrain ont amener à une construction de connaissances reproductibles et fiables afin d’optimiser la prise en charge. Ce sont les études scientifiques qui sont de loin votre plus grand allié, car elles permettent de trier entre les pratiques à haute valeur ajouté ou à faible valeur ajoutée.
Aux médecins et aux prescripteurs, j’espère que vous avez pu voir à travers ce petit travail d’analyse de la littérature, que nous kinésithérapeutes, pouvons aider les patients avec une prise en charge optimale sans avoir besoin de masser ou d’étirer (merci d’arrêter les prescription avec « massage et étirement » sinon je la mets au feu).
Rappelons que les lésions aux IJ amènent à un haut taux de récidive donc il faut que les prescriptions suivent afin d’aider les patients. Plus que des compétences dans le traitement des traumatismes liés au sport, les affections neuromusculosquelettiques sont une partie de notre domaine d’expertise, pour lesquelles nous avons dû développer nos capacités diagnostiques, thérapeutiques, de recherche et d’analyse de la littérature.
RESSOURCES SUPPLÉMENTAIRES
Ces ressources peuvent vous intéresser si le sujet vous a plu, mais n’oubliez pas que les données doivent être mises en perspective entre elles et actualisées constamment. Ce n’est pas « la science » qui change tout le temps (car la science est un processus de production de connaissances sur le monde), mais l’ensemble des nouvelles connaissances qui augmente, et qui n’a pas la même valeur selon la méthodologie employée, la cohérence externe, les données issues de domaines connexes, permettant de répondre à certaines questions spécifiques.
https://www.youtube.com/watch?v=15A4SO0cMpI
https://www.youtube.com/watch?v=y0HroNZWmT8
https://www.youtube.com/watch?v=aFJx-3vIa-I
https://www.youtube.com/watch?v=YwGsaQb-b1g
https://www.youtube.com/watch?v=15A4SO0cMpI
https://www.youtube.com/watch?v=dDMs0jTMKcw
https://www.youtube.com/watch?v=G2dkn8SC50k&t=1103s
https://www.youtube.com/watch?v=48MAhno35Lg
THORBORG, Kristian, OPAR, David, et SHIELD, Anthony. Prevention and Rehabilitation of Hamstring Injuries. 2020.
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