C’est en quelque sorte la suite du 323: la même intervenante élabore sur la douleur liée à l’arthrose et comment mettre en pratique certains des concepts établis dans le précédent.
Je vous propose un petit condensé de ce qui se dit dans le podcast, pour:
- Vous aider à choisir si vous voulez l’écouter ou non, pour les anglophones.
- En tirer l’essentiel, pour les anglophobes.
À raconter à vos patients
Connaissance académique
Utile au cabinet
Dans le syndrome douloureux lié à l’arthrose, on a une diminution du contrôle inhibiteur diffus nociceptif (CIDN, ou DNICS en VO), une augmentation de la sensibilisation centrale et un dérèglement de la sommation temporelle.
Le CIDN est la capacité du cerveau à inhiber les messages en provenance du système nerveux périphérique en réponse à la douleur. Pour le tester, Tasha Stanton propose de tester le Seuil de Douleur à la Pression (SDP), faire mettre la main au patient dans de l’eau glacée et re-tester le SDP. Si le seuil n’est pas abaissé, on peut supposer que le DNICS est déficient.
L’une des caractéristiques de la sensibilisation centrale est qu’il y a besoin d’appliquer beaucoup moins de contraintes pour déclencher une douleur, et pas uniquement à un niveau local.
La sommation temporelle, c’est ce qui explique qu’un stimulus douloureux répété devient de plus en plus douloureux au fil des répétitions. Ce système peut être déréglé (on parle de « wind up », d’emballement), et c’est souvent le cas dans l’arthrose. En pratique, pour eux, quelques extensions du genou en trop peuvent leur provoquer une flambée douloureuse alors que tout semblait normal.
Le docteur Stanton raconte ensuite une étude en deux étapes qu’elle a trouvée passionnante. Ils ont d’abord fait croire qu’ils avaient un laser particulier qui permettait d’évaluer la sécurité d’appliquer le laser sur la peau. Ils ont ensuite fait croire que le laser évaluateur identifiait 3 sites d’application « complètement approuvés » ce qui voulait dire qu’ils étaient sans danger et 3 sites «approuvés mais avec réserves » ce qui voulait dire que les patients devaient faire attention à leurs perceptions pour s’assurer qu’il n’y avait aucun dommage. En fait, tout était bidon, c’était juste pour que les personnes croient que la moitié des stimulus étaient dangereux.
Ils ont ensuite appliqué un laser à une intensité proche de leur seuil douloureux (Near-threshold paradigm) et ont demandé de classifier la stimulation en douloureuse ou non douloureuse.
Les sites « à haute menace » étaient plus souvent douloureux, plus intensément douloureux et déclenchaient plus d’anxiété chez les sujets.
Il y a un lien entre peur et douleur. Justement les personnes souffrant d’arthrose ont des scores de kinésiophobie élevés. Les images utilisées pour expliquer la pathologie habituellement (« l’os frotte directement contre l’os ») sont plutôt effrayantes, le pronostic aussi (« Malheureusement, on ne peut rien y faire et ça ne va qu’empirer »). Comment les patients pourraient ne pas avoir peur du mouvement ?
Par exemple, un bruit dans votre jardin, la nuit tombée est beaucoup moins effrayant si on a commandé des pizzas juste avant que si on a vu sur BFMTV que des braquages en série ont lieux dans le quartier.
Le traitement, c’est donc de rassurer les patients sur le pronostic et de procéder à une augmentation progressive de l’activité. Comprendre la douleur et ses mécanismes permet de gagner un peu de contrôle sur la douleur.
Il faut se débarrasser de l’idée que l’arthrose est une maladie d’usure qui nécessite de s’économiser : cette conception alimente la peur de l’exercice qui est pourtant idéal en traitement de la douleur et des pertes fonctionnelles. Pour la chercheuse, c’est une erreur en tant que clinicien que d’entretenir cette image et de décourager le patient de suivre le traitement qui d’après les preuves actuelles a le plus de chance de l’aider !
Il est important de ne pas négliger la partie « biologique » du patient quand on l’examine dans son contexte biopsychosocial, évidemment. Toutefois, il faut aider le patient à comprendre que d’autres choses que les dommages tissulaires peuvent causer de la douleur. Il sera alors plus facile pour lui d’assimiler que l’augmentation des douleurs n’est pas (dans le cas de l’arthrose entre autre) l’augmentation des dommages. Savoir ce qui a pu entraîner les poussées douloureuses permet au patient de se détacher du modèle biomécanique. Il a tout à y gagner !
Nos patients déconditionnés (non sportifs, en surpoids…) qui ne voulaient pas bouger à cause de la douleur de l’arthrose, acceptent bien de bouger malgré la douleur en post-opératoire (pourtant souvent assez intense) : c’est une preuve que les croyances erronées (du modèle biomécanique) alimentent la kinésiophobie et que changer la perspective sur la douleur (« J’use ma prothèse » devient « j’apprivoise mon genou flambant neuf ») permet de remettre les gens en mouvement. À l’opposée, les patients « actifs physiquement » on des scores de kinésiophobie moindres et des risques de récidives moins important : à nous de faire changer nos patients de catégories.
Il faut les débarrasser de l’idée que l’arthrose est une maladie d’usure qui nécessite de s’économiser et qui alimente la peur de l’exercice qui est pourtant le meilleur traitement pour la douleur et la fonction.
Interrogée sur les perspectives d’avenir, la chercheuse pense que les « traitements du futurs » feront intervenir les différentes afférences qui peuvent moduler la douleur, comme le font les croyances négatives des patients ici.
Dans leurs travaux, les chercheurs ont constaté que les informations visuelles ont une vraie importance et que simplement la vue de la peau d’une partie du corps est antalgique. Ils ont aussi constaté une altération du schéma corporel chez les patients arthrosiques douloureux, avec souvent une mauvaise perception de la taille de leurs articulations.
La manipulation simultanée de l’image (utilisation de réalité virtuelle pour donner une impression de distension) et de l’articulations (une petite traction caudale) entraîne une diminution de la douleur, cumulable par répétition de la mobilisation-illusion. Dans l’étude décrite, l’EVA avait diminué de 20/100 en dix répétitions !
La docteur décrit aussi une étude sur les mobilisation postéro-antérieure (PA). Une machine faisait des mobilisations avec une force contrôlée sur les lombaires de patients. La raideur mesurée était bien corrélée à la force estimée par le patient (et donc hypothétiquement à la menace perçue) !
La manipulation des afférences auditives permet la modulation de la raideur du patient: un bruit de porte qui grince pendant la PA augmente encore la raideur mesurée, mais si le bruit « s’améliore », comme si les répétitions « graissaient » l’articulation-porte-qui-grince, la raideur diminuait, ainsi que la force perçue par les patients.
C’est tout pour ce podcast, merci de nous avoir lu ! Le prochain vous plaira : je me suis régalé en l’écoutant, alors pensez à nous suivre!
Articles en liens, proposés sur la page du podcast lui même :
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Podcast Quotes:
“Give your patient the locus of control”
“Knowledge helps you frame what is happening in your world”
“People with osteoarthritis often hold beliefs that movement is harmful”
2 Commentaires
MARTIN MILLET
J’ai découvert le site en lisant cet article via Facebook. Je trouve que vous êtes brillant et visionnaire de proposer ce genre de démarche. L’article est très intéressant.
Roberto
Excelente paradigma desactivar el modelo biomecánico presente en el cerebro de los pacientes